Et
ce qui devait arriver arriva ! Pas de grande saga sans grand
chagrin d’amour, sans dévastation du cœur, sans
chavirement de l’âme : Sanzétikète doré vient d'en faire
la douloureuse expérience et n’en dort plus ! Le même cauchemar
hante chacune de ses nuits. Le bourreau des coeurs
qui avait à jamais, pensait-elle, conquis le sien, Troadecus
vorgensis, y apparaît plus monstrueux que jamais. Sa grande gueule
enfourne tout : la CCKB, le Yeun Elez, la Haute
Cornouaille, la Région de Pleyben, les Monts d’Arrée, le Pays du
Roi Morvan .
Chaque
nuit, en sueur, elle se réveille brutalement au moment
où l'Ogre du Poher s’apprête, à la fin de son festin
royal, à attaquer le dessert et à engloutir Callac-Argoat, le Petit
Poucet de l'histoire, pour le faire disparaître à jamais dans le
fond de ses entrailles.
L’angoisse
la prend à la gorge : encore une promesse électorale qu’elle ne
tiendra pas ! Elle, dont l'unique crédo avait été durant
la campagne des municipales de mars 2014 « On ira avec
Carhaix ! ». Cette formule magique devait résoudre
comme par enchantement tous les problèmes rencontrés par sa petite
commune rurale de Callac : apporter des entreprises, du travail,
faire venir de jeunes foyers avec plein d’enfants pour remplir les
écoles, offrir des infrastructures sportives et culturelles en
parfait état, des maisons médicales avec des dentistes et des
ophtalmos, des routes toutes neuves et plein de petits
commerces à ne plus savoir où les mettre ! «On ira
avec Carhaix ! » Elle qui rêvait tant de conclure son chapelet
de promesses par : «Ils se marièrent, vécurent heureux et
eurent beaucoup d'enfants.» !
Comme
elle l’avait désirée, cette fusion avec Poher Communauté !
Comme elle l'avait souhaitée cette folle étreinte qui devait
transformer sa pauvre petite commune en perdition en terre de légende
enviée par tous !. Qui n’a pas connu l’emportement des
amours passionnelles ne peut comprendre cet aveuglement doublé d'un
fol espoir capable de balayer tous les doutes, toutes les craintes et
toutes les mises en garde des cassandres de tout poil qui
voulaient s'opposer à cette union contre-nature.
Ainsi
ne voulait-elle rien entendre des sages injonctions préfectorales
qui lui recommandaient un mariage platonique avec Jean-Yves Ier, le
Prince Rose du Kreiz Breizh. Quoi ? Convoler avec le
farouche adversaire, l'ennemi de toujours de celui vers qui tout son
être allait, son Prince Napoléon au bonnet rouge ! Jamais elle ne
trahirait ce dernier, plutôt le couvent !
Las...!
Elle a perdu toutes ses certitudes et a cru mourir en ce
terrible soir où elle les a entendus tous les deux, main dans la
main, annoncer leur union devant un parterre de plus de 200
élus et personnalités dans la salle du Glenmor. Les deux princes
ennemis qui se détestaient il y a encore quelques semaines
faisaient leur coming out devant tous pour bâtir le Poher historique
! Tout s'écroulait...Comment avait-elle pu se montrer si naïve :
elle n’avait rien vu venir ! Elle découvrait ce mariage pour
tous en direct comme tous les autres. Si, au moins, elle avait été
dans la confidence, elle aurait pu, peut-être, essayer de comprendre
et pourquoi pas pardonner. Quel affront ! Quelle humiliation !
Son
cœur se lézarde . La gifle la laisse un moment groggy.
Elle n’arrive pas à y croire et se lance dans une dernière
tentative pour nier l’évidence . Ne serait-ce pas plus
raisonnable de commencer par un mariage à trois, Poher Communauté,
Callac-Argoat et CCKB, avant de plonger dans cette immense
partouze à sept avec le Roi Morvan, Yeun Elez, la Haute Cornouaille et les
Monts d’Arrée puisque la communauté de communes de Pleyben
semble plutôt attirée par le pays de Châteaulin ?
Désormais tout
ce qui la passionnait perd tout son sel : l‘approbation du
procès verbal de la dernière séance du conseil municipal, la mise
à jour des tarifs communaux, l’interdiction des portables pendant
les conseils municipaux, la demande de prorogation du délai de dépôt
de l’Agenda d’Accessibilité Programmé, la répartition du
FPIC, le schéma de mutualisation des services de la communauté
de communes, la maintenance des logiciels PIVOINE, EDICOM,
URBACOM, l ‘accueil des réfugiés et j'en passe...Le coeur
n'y est plus...
Plus
rien n’a d’importance pour elle que ce Schéma départemental de
coopération intercommunale qui devient une obsession. Le plus
terrible reste pourtant à vivre pour celle qui a été
abandonnée : l’attente du coup de téléphone, du petit SMS
qui ne vient pas, du petit mail pour se revoir ...
Mais non rien !
Il ne reste plus que le silence.
Bon,
trève de contes de fées et d'amours princières, je vous dis, moi,
humble hérisson que je suis, que les amours contrariées de nos élus
ça fait peut-être pleurer Margot et Jeanneton mais, qu'à
l'inverse, l’intérêt des populations ne semble guère
être au centre des préoccupations de ces derniers pendant les
grandes manœuvres de cette réforme territoriale. Depuis l’étude
de Côtes d’Armor Développement réalisée pendant la précédente
mandature qui semblait diriger l’avenir de Callac-Argoat vers son
nouveau bassin de vie, Poher Communauté, aucune étude sérieuse n’a
été menée par la nouvelle équipe communautaire, par exemple, sur
le devenir des personnels, sur l’évolution des compétences
communautaires ou encore sur l’évolution de la fiscalité locale .
On
s’est contenté d’invocations sans mener un vrai travail
d’approfondissement et de négociation avec nos prétendants à
l'union. On a surtout bien tenu à l’écart le citoyen qui pourtant
est concerné au premier chef. Ce n'est pas ainsi que ce dernier
comprendra quelque chose à ce problème complexe et qu'il
s'impliquera dans le devenir de la commune. Aucune réunion publique
ne semble s’annoncer. Il faut dire qu’on se demande de quoi on y
parlerait quand on mesure le vide des arguments des uns et des
autres, flou artistique qui n’est pourtant pas d'actualité
dans d’autres territoires.
Devant
cette vacuité, le Préfet peut se frotter les mains. Sa proposition
d’union avec la CCKB malgré la fronde feutrée de nos élus
risque bien de s’imposer car l'Etat a déjà montré à
propos des projets miniers sur notre secteur le peu d'importance
qu'il accordait à la mobilisation citoyenne et démocratique...